DES SECRETS DE LA CUISINE DES NéANDERTALIENS RéVéLéS PAR LA SCIENCE

Des archéologues ont mené des expériences sur la préparation des oiseaux par les "cuisiniers néandertaliens"… et ont découvert que si leurs outils étaient remarquablement efficaces, les techniques de cuisson endommageaient les os, rendant leur conservation dans le registre archéologique difficile.

Des capacités cognitives plus sophistiquées qu'imaginé, des pratiques culturelles et symboliques plus élaborées, des relations interspécifiques avec leurs cousins Homo sapiens… Les aspects les plus complexes des Néandertaliens (Homo neanderthalensis) sont peu à peu révélés à mesure que les études avancent sur cette fascinante espèce. La dernière en date, publiée dans Frontiers in Environmental Archaeology 24 juillet 2024, offre de nouveaux indices sur leur manière de préparer et de cuisiner leurs aliments, notamment les oiseaux, à travers des expériences pratiques.

Chasseurs de lions et cueilleurs d'oiseaux

Pendant plus de 200 000 ans et à travers des environnements extrêmement variés, les Néandertaliens ont été des chasseurs experts. Des marques de coupes retrouvées sur des os du Paléolithique moyen suggèrent qu'ils dépeçaient même des lions des cavernes (Panthera spelaea), grands prédateurs de l'époque. Les scientifiques se sont en revanche bien moins concentrés sur la consommation de plus petits gibiers, comme les oiseaux, qui laissent peu de traces archéologiques derrière eux.

Pourtant, "les oiseaux offrent une ressource alimentaire complémentaire qui a pu jouer un rôle essentiel dans l'adaptation et la survie des Néandertaliens", écrivent les auteurs de la nouvelle étude. Pour en savoir plus sur les méthodes de découpe et de cuisson des premiers humains, ils ont donc réalisé une série d'expériences pratiques avec des corneilles (Corvus), pigeons ramiers (Columba palumbus) et tourterelles turques (Streptopelia decaocto) d'une réserve faunique du Portugal, morts dans des conditions naturelles. Des espèces choisies pour leurs classifications taxonomiques similaires à celles qu'ils auraient autrefois probablement chassées dans la région de la péninsule ibérique.

Défis des (efficaces) outils en silex

Cinq spécimens ont été plumés à la main. Deux ont été dépecés crus, en utilisant une réplique d'éclat de silex – et selon les techniques tirées des preuves archéologiques et des données ethnographiques. Les os ont ensuite été nettoyés et séchés, pour être examinés au microscope. Les experts étaient à la recherche de marques de coupe, de factures ou de brûlures caractéristiques. De petites "cicatrices" en forme de demi-lune sur le bord des fragments de roche employés ont été remarquées.

À travers ces gestes, les auteurs de l'étude ont pu mettre en évidence les véritables défis auxquels ont été confrontés les Néandertaliens dans la préparation quotidienne de leurs aliments. "Utiliser un éclat de silex pour dépecer nécessitait une précision et un effort considérables, développe la coauteure de l'article Mariana Nabais, de l'Institut catalan de paléoécologie humaine et d'évolution sociale (IPHES, Espagne). Les éclats étaient plus tranchants que ce que nous pensions initialement, nécessitant une manipulation délicate pour effectuer des coupes précises sans nous blesser les doigts."

Les secrets de la cuisson préhistorique

Les trois autres oiseaux étudiés ont été rôtis entiers sur des braises chaudes à 500 °C : quatre minutes sur le ventre, trois minutes sur le dos. Les "apprentis Néandertaliens" ont veillé à maintenir une température constante et à surveiller la durée de cuisson. Et ils ont bien fait, car le processus fut plus rapide qu'il ne l'avait auparavant estimé. "Finalement, nous avons passé plus de temps à préparer les braises qu'à la cuisson proprement dite, qui a duré moins de dix minutes", ajoute la spécialiste.

Si cela a vraiment été la technique employée par les hommes de Néandertal il y a des milliers d'années, il n'en reste plus tant de traces désormais. L'analyse des os brûlés des spécimens cuits a montré qu'ils étaient devenus très cassants avec le rôtissage. Et ainsi, sujet à la perte à travers les âges. "De telles observations suggèrent que les méthodes de cuisson affectent de manière significative la préservation des restes squelettiques dans les contextes archéologiques, influençant potentiellement la visibilité archéologique de certaines pratiques culinaires", en concluent ainsi les chercheurs.

Ils précisent néanmoins qu'il ne s'agit pour le moment que d'une étude pilote, avec un très petit échantillon. Il est probable que les lointains Néandertaliens aient consommé une gamme bien plus diversifiée d'oiseaux que les trois ici testés. Et malgré un "contrôle rigoureux des conditions expérimentales", il est évidemment aujourd'hui impossible de reproduire complètement "les contextes environnementaux et culturels exacts de la vie néandertalienne", qui se révèlent pourtant peu à peu.

Les scientifiques en appellent donc à des recherches supplémentaires, en élargissant les expériences à davantage d'espèces de petites proies et à différentes méthodes de cuisson. L'objectif serait de pouvoir, à terme, fournir une base de référence des marques caractéristiques, afin d'aider les archéologues à mieux analyser les artefacts, en comparant leurs observations avec celles déjà réalisées.

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